Le roi et la reine de Jordanie : certes plus glamour que ses collègues du Golfe, Abdallah est lui aussi tenu par l'islamo-américanisme
Confrontée à l’hostilité d’une partie du monde arabe « légal », la Syrie riposte tous azimuts – et il ne s’agit pas d’attaques d’ambassades : lundi 14 novembre, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid al-Mouallem a accusé, au cours d’une conférence de presse, les Etats arabes de «
conspiration » contre son pays et a qualifié la décision de suspension prise par la Ligue arabe de «
honteuse » : «
Nous voulions que le rôle de la Ligue arabe soit un rôle de soutien, mais si les Arabes voulaient être des conspirateurs, c’est leur affaire « .
Sommet et contre-sommets « extraordinaires »
Pour autant, M. al-Mouallem ne veut pas renoncer à appliquer le plan, pourtant peu applicable, de la Ligue, et il a même invité celle-ci à envoyer des observateurs sur le terrain, et même ses dirigeants à se rendre en Syrie d’ici mercredi 16, jour d’entrée en vigueur de la mesure de suspension. Et dans un communiqué diffusé par la télévision syrienne, le gouvernement de Damas demande «
la tenue d’un sommet arabe urgent pour remédier à la crise et à ses conséquences négatives sur la conjoncture arabe« .
Ce qui est certain, c’est que la Ligue tiendra une réunion «
extraordinaire » des ministres des affaires étrangères ce même mercredi à Rabat. Le fait que cette réunion se tienne en marge d’un forum de la coopération arabo-turque laisse mal augurer de ses orientations. La Turquie, à ce propos, s’est fendue d’une nouvelle déclaration anti-syrienne, son ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu assurant que son pays se tient aux côtés du peuple syrien «
dans sa lutte légitime » contre le gouvernement en place. Mais Ankara est plus timide en ce qui concerne la «
lutte (peut-être)
légitime » de sa minorité kurde…
Par ailleurs, le comité olympique syrien a fait savoir que ses sportifs boycotteront les Jeux arabes qui se tiendront en décembre à Doha, capitale du Qatar. C’est un sacrifice pour les quelque 250 sportifs, répartis dans 21 disciplines, que devait envoyer la Syrie, mais on sait depuis les jeux olympiques de Mexico, Munich, Moscou que le sport n’est, hélas, pas au-dessus des luttes politiques.
La Russie contre la Ligue arabe
Toujours sur le front de la guerre diplomatique inter-arabe, le roi de Jordanie est sorti d’un long silence pour conseiller au président syrien… de démissionner. Il est vrai que les positions pro-occidentale du roi Abdallah sont connues. Et il est confronté – tiens, lui aussi – à la pression des islamistes locaux qui semblent porter sur le régime baasiste – ou post-baasiste – de Bachar le même regard que les Frères musulmans syriens. En revanche, il se confirme que le Yémen a refusé la suspension de la Syrie lors du vote du 12 novembre. Le Yémen où la situation est plus confuse – et sanglante – que jamais.
La Syrie a en outre présenté, par la voix de Walid al-Mouallem, ses excuses aux pays dont les représentations politiques ont été attaquées par les manifestants syriens ce week-end. Ca n’empêchera pas l’ambassadeur de Syrie à Paris, Lamia Shakkour, de devoir subir les remontrances du Quai d’orsay, et ça n’a pas empêché l’ineffable Alain Juppé de demander officiellement aux Nations-Unies, lundi 14 novembre à Bruxelles, de nouvelles «
mesures de protection des civils syriens« .
Vu l’obstination belliciste du ministre franco-atlantiste des Affaires étrangères, on serait tenté de demander, nous, des mesures de protection des Syriens contre Juppé et consorts !
Terminons ce tour de sombre horizon par un rayon de soleil : la Russie a condamné officiellement, lundi 14 novembre la mesure de suspension de la Syrie par la Ligue arabe. Son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a en effet jugé «
incorrecte » cette décision. Ceux qui l’ont prise, dit M. Lavrov, «
ont perdu une véritable opportunité de rendre la situation plus transparente. » Nous l’avions prévu, sans prendre trop de risques : la Russie ne s’est pas laissée intimider par les gesticulation de la Ligue arabe, derrière laquelle les teneurs de ficelles américains sont par trop visibles. Ajoutons que la Chine a exhorté la Syrie à mettre en oeuvre le plan arabe, mais qu’elle refuse elle aussi d’acter la moindre sanction contre elle. Enfin, un vieil ami de Damas, le président vénézuélien Hugo Chavez, a accusé Américains et Européens d’encourager le terrorisme en Syrie
A
u sortir de la réunion du Caire, la Ligue arabe a certes gagné en popularité à Washington, Paris et Londres, mais elle a justement, à cause de cela, perdu en crédit – elle n’en avait déjà pas de trop – auprès de pas mal d’Arabes « de base », et, quoiqu’on en dise, elle est divisée. Et, concrètement, elle ne peut guère faire plus que le « roquet » aux côtés de ses mentors américains.